L’affaire fait grand bruit dans la région. La Financial Crimes Commission (FCC) de Maurice mène actuellement une enquête approfondie sur des transferts financiers suspects impliquant Mamy Ravatomanga, homme d’affaires malgache influent et figure controversée du monde politico-économique de l’océan Indien.
Cette affaire, aux ramifications multiples entre Madagascar, Maurice et Dubaï, met en lumière les zones grises de la finance offshore et la vigilance accrue des autorités mauriciennes.
Des comptes gelés et des perquisitions à Maurice
Le 17 octobre 2025, la FCC a ordonné le gel des comptes bancaires de Mamy Ravatomanga et de plusieurs entités qui lui sont liées, notamment sa société Global Business Company (GBC). Sont également concernés ses proches et son épouse, leurs avoirs étant désormais placés sous étroite surveillance.
Le 21 octobre, des perquisitions simultanées ont été menées dans le nord de l’île, notamment au domicile du fils de Mamy Ravatomanga et chez un employé proche. Objectif : retracer les flux financiers ayant pu transiter par des banques mauriciennes avant d’atteindre Dubaï.
Cependant, la défense du businessman conteste la méthode. Ses avocats dénoncent une opération « sans fondement clair », assimilée à une « fishing expedition » — une recherche au hasard, dans l’espoir de trouver des preuves.
Des montages financiers opaques et sophistiqués
L’un des points les plus sensibles du dossier réside dans la complexité du réseau financier mis en place.
Les premières analyses révèlent une succession d’entreprises imbriquées : une société mauricienne GBC détenue par une entreprise malgache, elle-même contrôlée par une autre entité locale, le tout rattaché à une holding enregistrée sous le régime d’une “Protected Cell Company” (PCC).
Ce type de structure, souvent utilisé pour protéger les actifs, rend la traçabilité des fonds particulièrement difficile.
Les comptes, libellés en devises étrangères, servaient à des opérations internationales régulières, justifiées par les affaires du groupe de Mamy Ravatomanga, actif dans divers secteurs : médias, BTP, commerce et exportation.
La FCC cherche à déterminer si ces opérations respectent bien les normes anti-blanchiment et anticorruption, ou si elles masquent un système de transferts illicites.
Enjeux régionaux et tensions politiques
L’affaire intervient dans un contexte tendu à Madagascar, marqué par des manifestations le 25 septembre 2025 et une surveillance accrue des élites économiques.
Mamy Ravatomanga, souvent décrit comme la deuxième fortune du pays, entretient depuis longtemps des liens étroits avec le pouvoir politique.
Installé à Maurice où il dispose d’un permis de résidence, il n’a pas pu quitter l’île depuis le gel de ses comptes.
Les autorités mauriciennes collaborent désormais avec des magistrats malgaches et d’autres organismes internationaux pour lever le voile sur un réseau financier transfrontalier.
Selon certaines estimations, plusieurs milliards d’ariary pourraient être concernés par ces flux entre Antananarivo, Port-Louis et Dubaï.
Une enquête au long cours
Les prochaines semaines s’annoncent cruciales.
Les enquêteurs de la FCC vont examiner les registres d’actionnariat, les contrats de gestion, et les transactions inter-entreprises afin d’identifier la nature exacte des transferts.
Une assistance judiciaire internationale pourrait également être sollicitée pour suivre la piste des fonds à Dubaï.
Pour l’heure, aucune charge formelle n’a été retenue, mais la pression monte autour du magnat malgache, dont la réputation et les affaires sont désormais sous haute surveillance.
Une affaire symbole des défis régionaux
Au-delà du cas individuel, cette enquête révèle les failles systémiques de la lutte contre les flux financiers illicites dans la région.
L’axe Maurice–Madagascar–Dubaï illustre les nouveaux circuits du capital dans l’océan Indien, entre opportunités économiques et zones d’ombre réglementaires.
Une chose est sûre : la FCC entend frapper fort pour affirmer son rôle de gendarme régional face aux montages offshore douteux.
L’issue de cette affaire pourrait bien redessiner les rapports entre finance, politique et justice dans l’espace insulaire.
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