Antananarivo, 14 octobre 2025 — La crise politique malgache connaît un tournant historique. Ce mardi, l’Assemblée nationale a voté la destitution du président Andry Rajoelina, alors que ce dernier venait tout juste d’annoncer la dissolution du Parlement. Quelques heures plus tard, l’unité militaire ralliée à la contestation menée par le mouvement Gen Z a proclamé qu’elle prenait le pouvoir.
Le colonel Michael Randrianirina, figure montante du mouvement militaire, a déclaré devant le palais présidentiel :
« Nous prenons le pouvoir à partir d’aujourd’hui. Nous dissolvons le Sénat et la Haute Cour constitutionnelle. L’Assemblée nationale, elle, continue son travail. »
Un acte fort, qui marque la fin de l’autorité de Rajoelina sur un pays en ébullition depuis plusieurs semaines.
Une chute précipitée du président
Reclus dans un lieu tenu secret depuis plusieurs jours, Andry Rajoelina avait publié mardi matin un décret sur la page officielle de la Présidence, annonçant la dissolution du Parlement, confirmée à l’AFP par son entourage.
« Ce choix s’impose pour rétablir l’ordre au sein de notre nation et renforcer la démocratie », affirmait-il sur les réseaux sociaux.
Mais cette tentative de reprendre la main a eu l’effet inverse : 130 députés sur 163 ont voté sa destitution, soit plus des deux tiers nécessaires. Selon la Constitution, cette décision devra encore être entérinée par la Haute Cour constitutionnelle — désormais dissoute par l’armée rebelle.
Élu en 2018 puis réélu en 2023 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, Rajoelina faisait déjà face à une contestation grandissante, accentuée par des coupures d’eau, d’électricité et une crise économique.
Une exfiltration sous tension diplomatique
Selon RFI, le chef de l’État aurait été exfiltré dimanche 12 octobre par un avion militaire français, avec l’accord du président Emmanuel Macron. Une information que Paris n’a ni confirmée ni démentie :
« Je ne confirme rien aujourd’hui », a simplement répondu le président français lundi.
Cette évacuation, perçue par une partie de la population comme une ingérence étrangère, a provoqué une vague d’indignation. Dans les rues d’Antananarivo, les pancartes anti-françaises se multiplient :
« Dégage la France », « Dégage Rajoelina et Macron », pouvait-on lire ce mardi sur la Place du 13 Mai, symbole de la contestation.
L’armée bascule du côté du peuple
Le Capsat, unité militaire historique à l’origine du coup d’État de 2009, a rejoint la contestation dès le week-end dernier.
Après avoir appelé les forces de sécurité à refuser de tirer sur les manifestants, les militaires ont prêté allégeance à la Gen Z, ce collectif de jeunes à l’origine du mouvement.
Les principales branches de l’armée et de la gendarmerie ont depuis rompu avec le pouvoir, entraînant une recomposition totale de la hiérarchie.
Un pays suspendu entre incertitude et espoir
Madagascar s’enfonce dans une période d’incertitude totale. Si les législatives doivent se tenir dans les 60 à 90 jours suivant la dissolution, aucun calendrier concret n’a encore été annoncé.
Sur le terrain, la mobilisation ne faiblit pas. Des milliers de jeunes continuent de manifester, rejoints par des syndicats de fonctionnaires en grève.
Entre colère populaire, vacance du pouvoir et rupture institutionnelle, Madagascar entre dans une nouvelle ère politique.
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