Sur les réseaux sociaux, certaines personnes affirment que le jeûne permettrait de lutter contre le cancer. Pourtant, rien ne prouve son efficacité chez l’humain, et cette pratique peut même s’avérer dangereuse pour les patients.
Les mythes et messages viraux
Des influenceurs et pseudo-spécialistes diffusent des messages selon lesquels le jeûne activerait un « gène de survie », permettant aux cellules de s’attaquer aux cellules cancéreuses. Certains vont plus loin, présentant le jeûne comme une alternative à la chimiothérapie et incitant leurs abonnés à le promouvoir auprès de proches malades. Ces recommandations incluent des régimes ultra-restrictifs, le jeûne hydrique ou le jeûne total, et se répandent particulièrement chez des promoteurs de pratiques de soins non conventionnelles.
Cette diffusion massive sur les réseaux sociaux touche parfois des patients hospitalisés ou en traitement, créant un flou dangereux entre croyances populaires et recommandations médicales. Selon Bruno Raynaud, gastro-entérologue et hépatologue à Gustave Roussy, « les patients nous posent souvent la question » sur le jeûne, révélant l’impact réel de ces messages sur des personnes vulnérables.
Les limites de la science
L’idée que le jeûne pourrait « affamer » les tumeurs repose sur des études animales, notamment celles du professeur Valter Longo. Certaines expériences ont montré que de courtes périodes de jeûne pouvaient avoir un effet sur la croissance tumorale chez la souris, parfois comparable à la chimiothérapie.
Mais la réalité chez l’humain est beaucoup plus complexe. Les cellules cancéreuses sont très adaptatives : si elles consomment beaucoup de glucose, elles peuvent également utiliser les protéines et les lipides apportés par l’alimentation, voire fabriquer leurs propres lipides. Ainsi, priver l’organisme de nourriture ne garantit pas que la tumeur sera affamée, et cela peut affaiblir l’ensemble du corps.
Selon l’Inserm et le Réseau NACRe, aucune étude de qualité ne permet de confirmer un effet bénéfique ou délétère du jeûne chez l’homme, que ce soit en prévention, en traitement ou en complément des soins anticancéreux. Les conclusions restent hétérogènes, avec des résultats suggérant des effets bénéfiques, neutres ou même négatifs selon les contextes.
Les risques pour l’organisme
Pratiquer un jeûne prolongé ou un régime très restrictif entraîne inévitablement une perte de poids et de masse musculaire, ainsi qu’une carence en vitamines, oligo-éléments, lipides et protéines essentiels. Cette dénutrition est particulièrement dangereuse chez les patients atteints de cancer et contribue directement à 5 à 25 % des décès dans cette population.
De plus, le jeûne peut compromettre l’efficacité des traitements anticancéreux et réduire la tolérance aux soins. Les cellules musculaires, cardiaques, hépatiques et cérébrales, tout comme les cellules tumorales, ont besoin de nutriments pour fonctionner correctement. Affaiblir l’organisme pour « affamer la tumeur » peut donc se retourner contre le patient.
Les dangers psychologiques et sociaux
Au-delà des risques physiologiques, le jeûne expose aussi à des manipulations par des pseudothérapeutes ou des praticiens déviants. Ces derniers surfent sur la peur, le désarroi et l’espoir des patients pour promouvoir des « soins » non validés scientifiquement. Des cas dramatiques ont été documentés, notamment des décès suite à des stages de jeûne prolongé ou l’arrêt de traitements conventionnels.
Pascale Duval, porte-parole de l’UNADFI, rappelle que les personnes fragilisées peuvent être sensibles à ces pratiques et subir une emprise psychologique forte, conduisant parfois à négliger des traitements médicaux essentiels.
Conclusion
Le jeûne reste un sujet de recherche scientifique, mais à ce jour, aucune preuve solide ne permet d’affirmer qu’il peut remplacer ou compléter les traitements anticancéreux. La prudence est donc de mise : les patients doivent privilégier un accompagnement médical rigoureux et rester informés sur les pratiques nutritionnelles sûres et validées.
Affamer une tumeur peut sembler une idée séduisante, mais en réalité, le jeûne prolongé peut affaiblir l’organisme, réduire la tolérance aux traitements et, dans certains cas, mettre la vie des patients en danger.
0 Comments