Madagascar : incertitude et défis après le départ de Andry Rajoelina

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Depuis le week-end du 11-12 octobre 2025, la Grande Île vit une période de turbulence majeure. Le président Andry Rajoelina a quitté Madagascar dans un contexte de contestation sociale massive, ouvrant une phase d’incertitude politique, économique et institutionnelle marquée par un basculement vers le pouvoir militaire, l’irruption de la jeunesse dans la rue et des attentes immenses face à une transition annoncée.

Le fil des événements

La montée des protestations : la génération Z dans la rue

Le 25 septembre 2025, un mouvement de protestation, largement mené par des jeunes de la génération Z, a émergé à Antananarivo et dans d’autres villes de Madagascar. Motifs : coupures répétées d’eau et d’électricité, manque d’accès à l’emploi, corruption et incapacité des institutions à répondre à une crise chronique des services publics.
Les manifestations ont rapidement pris de l’ampleur : routes bloquées, pneus brûlés, sièges de compagnies d’électricité attaqués. Face à la pression, le gouvernement a imposé un couvre-feu nocturne à Antananarivo.

L’armée bascule : l’unité CAPSAT rejoint le mouvement

Un tournant est survenu le 11 octobre lorsque l’unité d’élite CAPSAT (Corps des administrations du personnel des Forces terrestres) s’est dissociée de la police et a annoncé qu’elle refusait d’ouvrir le feu sur les manifestants.
Peu après, l’armée a pris le contrôle de l’appareil d’État, tandis que les députés déclenchaient la destitution de Rajoelina.

Le départ et la destitution de Rajoelina

Andry Rajoelina a quitté le pays entre le 11 et le 12 octobre, selon de nombreux médias, évoquant des « menaces graves » contre sa vie.
Le 14 octobre, l’armée a annoncé la suspension des institutions et l’impossibilité de remplir les fonctions présidentielles. Le tribunal constitutionnel a déclaré le poste vacant et installé Michael Randrianirina comme président par intérim.

Le nouveau gouvernement de transition

Le 17 octobre, Michael Randrianirina prêtait serment devant la Haute Cour constitutionnelle. Un Premier ministre, Herintsalama Rajaonarivelo, ancien cadre bancaire et consultant international, a été nommé dans les jours suivants pour piloter la transition.
Le nouveau gouvernement rassemble techniciens, opposants et quelques figures du régime passé, mais il est perçu avec méfiance par une population qui réclame des résultats rapides.

Les défis clés à relever

1. Consolider la transition institutionnelle

L’épisode marque la troisième prise de pouvoir militaire dans l’histoire récente de Madagascar. Le pays est désormais suspendu : l’African Union a suspendu sa participation de Madagascar et réclame un retour au « plein exercice démocratique ». Le défi initial : garantir l’organisation d’élections dans un délai annoncé de 18 à 24 mois tout en maintenant l’ordre constitutionnel.

2. Apaiser un climat social tendu

La jeunesse, moteur du mouvement, ne demande pas seulement le départ d’un président mais une refonte profonde du système : traitement transparent des coupures d’eau/électricité, accès à l’éducation, lutte contre la corruption.
Le nouveau gouvernement s’est donné un délai de deux mois pour « faire la preuve de son efficacité » avant que la défiance ne se transforme en désillusion.

3. Relancer l’économie et les services publics

Madagascar demeure l’un des pays les plus pauvres au monde, avec environ 80 % de la population sous le seuil de pauvreté.
Les chantiers prioritaires sont : agriculture, tourisme, infrastructures énergétiques et hydriques. Le défi est double : redresser l’économie tout en consolidant la crédibilité d’un État longtemps en dérive.

4. Gérer l’équilibre armée-civil

L’armée a joué un rôle central dans cette transition. Sa participation aux manifestations a posé un précédent. Mais maintenant, il faudra redéfinir ses missions, garantir que la période de transition ne se transforme pas en militaire durable, et assurer un contrôle civique réel.

5. Répondre aux attentes internationales

La Communauté internationale, via l’ONU et l’UA, suit la situation avec attention. Madagascar risque de perdre des financements, d’être isolé diplomatiquement s’il ne montre pas de réelle volonté de retour à l’ordre démocratique.

Un tableau d’ensemble : entre espoir et incertitude

La chute de Rajoelina peut être perçue comme une victime du mal-être national : accès limité aux services, corruption institutionnelle, surreprésentation d’un pouvoir centralisé. La génération Z est entrée en scène, portée par l’image d’un nouvel activisme global, et a imposé un changement d’ère.

Pourtant, l’enjeu est aujourd’hui de taille : la transition ne doit pas être qu’un changement de nom, mais le commencement d’un changement réel. Si le mouvement social a accompli l’essentiel — faire partir un dirigeant — il doit maintenant obtenir des résultats tangibles : restauration des services publics, relance économique, ouverture démocratique.

Le nouveau gouvernement peut être l’occasion d’un nouveau contrat social à Madagascar. Mais l’écueil est grand : un blocage institutionnel prolongé, un pouvoir militaire pérennisé, ou l’échec à répondre aux revendications sociales risquent de ramener l’île vers la même spirale.

Madagascar se tient désormais à un carrefour. Le pays pourrait capitaliser sur cette crise pour amorcer une refondation : rééquilibrage de ses institutions, mise en mouvement sociale, affermissement de son modèle économique. Ou bien il pourrait reproduire des schémas d’échec : impasse institutionnelle, recours à la force, déclassement international.

Le succès dépendra de trois piliers : la réponse aux attentes citoyennes, le respect d’un calendrier de transition crédible, et l’engagement actif de la communauté internationale.
Le moment est venu pour Madagascar de transformer l’incertitude en opportunité. Tout reste à faire.


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