La Réunion fait face à une nouvelle alerte sociale majeure. En 2024, les dépôts de dossiers de surendettement ont bondi de 24 % par rapport à 2023, atteignant 1 709 dossiers, selon les données de la Banque de France. Une hausse deux fois plus rapide qu’en Hexagone (+10,8 %), qui révèle une réalité plus profonde qu’une simple mauvaise gestion individuelle : celle d’un modèle économique qui fragilise durablement les ménages les plus modestes.
Une pauvreté structurelle qui s’aggrave
Avec un taux de pauvreté monétaire de 36 %, La Réunion compte près de 320 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, fixé à 1 010 euros par mois par unité de consommation. À cette fragilité s’ajoute un coût de la vie particulièrement élevé : les prix alimentaires sont en moyenne 37 % plus chers qu’en métropole.
Conséquence directe : les privations matérielles sévères concernent 40 % de la population, contre seulement 12,9 % en France hexagonale. À peine 28 % des ménages réunionnais déclarent pouvoir faire face à une dépense imprévue, et seuls 39 % peuvent s’offrir une semaine de vacances par an. Dans ce contexte, l’endettement devient moins un choix qu’un moyen de survie.
Surendettement : la faute aux ménages ?
Contrairement aux discours stigmatisants sur une prétendue « consommation irresponsable », les chiffres racontent une autre histoire. La progression du surendettement (+28,5 % sur l’année) s’explique principalement par l’explosion des dépenses contraintes : alimentation, logement, énergie et carburant.
Les familles monoparentales, les jeunes actifs précaires et les bénéficiaires de minima sociaux — 76 % de la population est couverte par la CAF — sont les premières victimes. Faute d’emplois stables (le chômage dépasse 40 % chez les moins de 25 ans), beaucoup ont recours au crédit pour couvrir des besoins essentiels : se nourrir, se loger, se déplacer.
Le logement, principal accélérateur de dettes
Le logement constitue aujourd’hui l’un des moteurs les plus puissants du surendettement. En 2024, 143 000 personnes sont mal logées à La Réunion, dont 54 150 sans domicile personnel, contraintes à l’hébergement chez des tiers. Les loyers du parc privé atteignent 10 à 15 €/m², en hausse continue (+7,3 % depuis 2019), tandis que le parc social est saturé.
Avec 49 100 demandes de logements sociaux pour une attribution sur 7,7 seulement, de nombreux ménages accumulent retards de paiement, impayés de charges et dettes énergétiques. En 2023, 7 700 signalements CAF concernaient des situations d’impayés liés au logement. Pour beaucoup, se loger devient un piège financier.
Un modèle à bout de souffle
La grande pauvreté touche désormais 13,5 % de la population réunionnaise, contre 2 % en métropole. Face à cette situation, les réponses actuelles apparaissent insuffisantes. Encadrement des loyers, développement massif de logements très sociaux, lutte contre la vie chère et création d’emplois décents sont régulièrement évoqués, mais peinent à se concrétiser à l’échelle nécessaire.
Les besoins sont pourtant connus : 172 500 logements supplémentaires d’ici 2050, dont une large majorité à vocation très sociale. Sans rééquilibrage structurel, le surendettement continuera de progresser, enfermant des milliers de familles dans un cycle de précarité durable.
Un signal d’alarme social
La hausse de 24 % des dossiers de surendettement n’est pas un accident statistique. Elle est le symptôme d’un système qui fait porter sur les plus modestes le poids de la vie chère, du mal-logement et du chômage. À La Réunion, l’endettement n’est plus une dérive marginale : il est devenu un marqueur central de la crise sociale.






















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