La cour d’Assises des mineurs de Saint-Denis a rendu hier son verdict dans l’affaire qui bouleverse La Réunion depuis plus d’un an : l’assassinat de la jeune Shana. L’accusé, âgé de 17 ans au moment des faits, a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle, avec levée de l’excuse de minorité — une décision rare, réservée aux crimes jugés d’une gravité extrême.
Un verdict lourd, attendu par la famille, mais qui laisse derrière lui un immense vide.
Un verdict lourd et symbolique
Après une délibération d’une heure et demie, les jurés ont suivi les réquisitions du parquet :
- 30 ans de réclusion criminelle, la peine maximale encourue
- Levée de l’excuse de minorité
- 10 ans de suivi sociojudiciaire
- Interdiction de contact avec la coaccusée, condamnée à 20 ans en 2023
Sans cette levée, il n’aurait pu être condamné qu’à 20 ans. Mais la cour a estimé que la gravité des faits, la détermination de l’accusé et son attitude rendaient cette exception légale pertinente.
Un crime “d’une gravité extrême”
Dans un silence pesant, la présidente a justifié la décision :
« La cour a jugé que ce crime était d’une gravité extrême. »
Le dossier décrit en effet un acte prémédité, froid, violent :
- Shana, 14 ans, attirée dans un guet-apens via les réseaux sociaux
- Une violence extrême révélée par l’autopsie
- Un crime commis dans une ancienne usine sucrière de Pierrefonds
- Une absence totale de regret exprimée par l’accusé
Pour la cour, la personnalité du jeune homme a pesé lourd : attirance pour des images de cadavres, déclarations glaçantes où il expliquait vouloir être “tueur en série”, regret « de n’avoir tué qu’une fois ».
L’attitude de l’accusé : froideur et absence d’empathie
Durant les trois jours de procès, l’accusé s’est exprimé une seule fois.
Sans émotion.
Sans explication.
Sans regret.
Des propos déroutants, confirmés par les témoignages :
- Fascination pour la violence extrême
- Absence totale de remords
- Réponses courtes, détachées
- Un récit froid du meurtre
Des experts psychiatriques ont évoqué des troubles sévères.
Son avocate, Me Soizic Panefieu, a tenté de reconnecter les jurés à l’humanité du jeune homme :
« Nous n’excusons rien. Nous entendons la douleur de la famille de Shana. Notre rôle était de trouver une peine juste au regard de son histoire et de ses troubles. »
La douleur du père de Shana : “Ce verdict ne me rend pas ma fille”
À la sortie de la salle d’audience, Mickaël Alicalapa, le père de Shana, très ému, a pris la parole :
« Le verdict est celui que j’attendais. La cour l’a jugé comme un adulte et pas comme un mineur. Mais ça ne me rend pas ma fille. On voulait que justice soit rendue. »
Il a exprimé aussi un message fort aux jeunes :
« Il faut que les ados comprennent qu’ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. »
Mais une profonde frustration demeure :
« On reste sur notre faim. On ne comprend pas pourquoi. Il ne parle pas. Il ne répond pas. On attendait des réponses, mais on ne les a pas. »
Un drame né sur les réseaux sociaux
L’affaire a débuté en septembre 2023.
Shana, 14 ans, ne connaissait pas ses deux agresseurs.
Le piège a été tendu via les réseaux sociaux :
- conversations,
- manipulation,
- rendez-vous fixé,
- puis guet-apens dans l’usine désaffectée de Pierrefonds.
Les deux mineurs avaient été arrêtés rapidement.
La coautrice, jugée séparément, a été condamnée à 20 ans de réclusion.
Une affaire qui interroge l’île entière
L’affaire Shana secoue La Réunion car elle concentre plusieurs thèmes sensibles :
- la violence extrême chez les mineurs
- les dérives des réseaux sociaux
- la fascination pour la violence chez certains jeunes
- la responsabilité pénale des mineurs face à des crimes atroces
- les failles de la prévention et de l’accompagnement
La levée de l’excuse de minorité, très rare, envoie un signal fort.
Un verdict lourd, mais un deuil interminable
Pour la famille de Shana, le procès n’est qu’une étape.
Le père le dit lui-même :
« Le procès est une bulle. Maintenant il va falloir sortir de la bulle et apprendre à vivre avec ça. »
La douleur reste intacte.
Le besoin de réponses aussi.





















0 Comments