Des chercheurs ont mis au point un système innovant capable de fabriquer des protéines fonctionnelles directement à la surface de certaines cellules, en ciblant plusieurs caractéristiques moléculaires à la fois. Cette avancée pourrait, à terme, permettre de produire des traitements précisément aux endroits du corps où ils sont nécessaires.
Baptisé SMART (Splicing-Modulated Actuation upon Recognition of Targets), ce système repose sur la reconnaissance de combinaisons spécifiques de marqueurs présents sur la membrane cellulaire — notamment des antigènes, molécules déclencheuses de réactions immunitaires. Il utilise une technique de ligation, c’est-à-dire d’assemblage de deux fragments protéiques inactifs. Chacun de ces fragments cible un antigène distinct. Une fois réunis, ils forment une protéine active qui peut rester attachée à la cellule ou être libérée dans l’environnement cellulaire.
Le potentiel de ce système est jugé « très prometteur » par Gevorg Grigoryan, biologiste computationnel et cofondateur de Generate Biomedicines à Cambridge (Massachusetts). Selon lui, la technologie pourrait s’appliquer à de nombreux domaines : diagnostic, ingénierie cellulaire, et développement thérapeutique.
Jusqu’ici, les scientifiques avaient surtout utilisé des outils capables de recruter des protéines à la surface des cellules, comme les anticorps. Mais peu de systèmes étaient capables de synthétiser des protéines directement sur place. De plus, ils ne pouvaient pas libérer ces protéines dans le milieu extracellulaire. Pour surmonter ces limites, l’équipe du professeur Tom Muir, biochimiste à Princeton, a modifié une « super-colle » protéique existante, SpyCatcher003, pour qu’elle déclenche la fabrication d’une protéine ciblée selon les cellules rencontrées.
Des protéines caméléons grâce aux « split inteins »
Le secret du système SMART repose sur des inteins scindées (split inteins) : de courts segments protéiques inactifs qui, une fois réunis, s’excisent et assemblent les fragments restants en une protéine complète et fonctionnelle. Lorsque le système reconnaît deux cibles spécifiques sur une même cellule, les inteins se connectent, se détachent, et permettent la création de la nouvelle protéine. « En quelque sorte, il recrache une protéine fonctionnelle de l’autre côté », explique Tom Muir.
Les chercheurs ont d’abord programmé SMART pour cibler deux antigènes : HER2 et EGFR, tous deux impliqués dans la croissance et la division cellulaire. Lorsqu’ils ont exposé des cellules leucémiques humaines (lignée K562) exprimant ces deux antigènes à un traceur fluorescent couplé au système SpyCatcher/SpyTag, ils ont observé un signal fluorescent — uniquement dans les cellules exprimant les deux antigènes. Ce résultat prouve que SMART peut distinguer des cellules selon les combinaisons de protéines qu’elles affichent.
L’équipe a ensuite adapté SMART pour cibler une autre protéine membranaire : EpCAM, impliquée dans l’adhésion cellulaire. Ils ont testé leur système sur des cellules exprimant différentes combinaisons de EpCAM, HER2 et EGFR. Résultat : le système ne s’activait que si la bonne combinaison était présente — par exemple EpCAM et HER2, mais pas EGFR. Ils ont aussi réussi à moduler la quantité de protéines produites, ouvrant la voie à un contrôle précis du « dosage » des protéines thérapeutiques produites.
Cette technologie marque une avancée majeure en biotechnologie cellulaire et pourrait révolutionner la médecine de précision, en permettant de produire des traitements à la demande, directement au niveau des cellules ciblées.
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