Une révolte sanglante qui a fait tomber un Premier ministre
Le début de septembre 2025 restera gravé dans l’histoire du Népal. Une révolte populaire d’une ampleur inédite a secoué le pays himalayen, menée principalement par la jeunesse. Lassés par la corruption, le népotisme et l’immobilisme politique, des milliers de jeunes, surnommés la génération Z népalaise, ont envahi les rues de Katmandou et d’autres grandes villes.
D’abord pacifiques, les manifestations ont rapidement dégénéré en affrontements violents avec les forces de l’ordre. Le bilan est lourd : au moins 51 morts et plusieurs centaines de blessés. La colère s’est cristallisée autour de la figure controversée de l’ancien Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli, accusé de mauvaise gouvernance et de répression sanglante. Sous la pression populaire, il a fini par démissionner le 9 septembre 2025, marquant la fin d’un cycle politique miné par les scandales.
Un vote inédit sur Discord pour désigner une Première ministre intérimaire
Mais le véritable séisme politique est venu après. Refusant que le pouvoir retombe dans les mains de partis discrédités, les jeunes manifestants ont décidé d’organiser un vote inédit via la plateforme Discord.
De ce scrutin numérique est sortie une figure respectée : Sushila Karki, ancienne présidente de la Cour suprême, connue pour son combat acharné contre la corruption. À 73 ans, elle devient la première femme Première ministre du Népal.
Sa nomination, validée par le président Ram Chandra Poudel, a été rendue officielle après deux jours de négociations intenses entre l’armée, la société civile et les leaders de la contestation. Elle a désormais pour mission de restaurer la stabilité politique et de préparer des élections anticipées fixées au 5 mars 2026.
Discord et réseaux sociaux : nouveaux outils de démocratie citoyenne
Ce choix via Discord symbolise une nouvelle ère politique. Les jeunes Népalais ont utilisé un outil numérique, généralement dédié aux jeux vidéo et aux communautés en ligne, comme instrument d’émancipation citoyenne. Une première mondiale qui démontre la puissance des réseaux sociaux dans la refonte des systèmes politiques.
Cependant, cette méthode reste controversée. Certains experts doutent de sa légitimité institutionnelle et craignent qu’elle n’accentue les divisions dans un contexte déjà fragile. D’autres y voient, au contraire, une révolution démocratique qui pourrait inspirer d’autres mouvements à travers le monde.
Les défis de Sushila Karki : reconstruire et rassembler
La nouvelle cheffe du gouvernement hérite d’un pays en crise. Le Parlement incendié doit être reconstruit, la population attend des réformes concrètes, et la confiance dans les institutions est au plus bas.
Avec plus de 30 millions d’habitants, coincé entre deux géants, l’Inde et la Chine, le Népal doit retrouver sa stabilité pour éviter de nouvelles ingérences extérieures et relancer une économie fragilisée par les blocages politiques.
La mobilisation de la jeunesse pourrait être un moteur de renouveau, à condition que les espoirs ne soient pas une fois de plus trahis.
Une page historique s’ouvre
La chute de Sharma Oli et l’émergence de Sushila Karki, élue par un vote citoyen inédit en ligne, marquent un tournant historique. Le Népal devient un laboratoire politique où s’expérimentent de nouvelles formes de démocratie directe.
La génération Z, par son courage et sa créativité, vient de montrer que la révolution numérique peut aussi être une révolution politique.
Source photo: Elite Joshi/PahiloPost
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