Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Denis. Sur la côte Ouest ou dans le Nord, le constat est le même : la course au logement est devenue une course à l’échalote, où les familles aux revenus modestes sont systématiquement les perdantes. Face à la flambée des loyers et au manque criant de logements sociaux, une nouvelle forme d’exode silencieux s’organise : celui des travailleurs forcés de s’éloigner toujours plus de leur lieu de travail.
La crise du logement à La Réunion n’est plus une simple tension, c’est un séisme social. Le marché locatif, dopé par une forte demande et une offre insuffisante, étrangle des milliers de ménages. Les prix au mètre carré s’envolent, même pour des T2 et T3 vieillissants.
« C’est l’essence ou le loyer ? »
Prenons l’exemple de la famille Patella, de Saint-Gilles. Lui est magasinier, elle est aide-soignante. Leurs deux salaires cumulés dépassent à peine les plafonds d’accès à un logement social, mais restent bien trop justes pour le marché privé.
« On payait un T3 dans les hauts de Saint-Paul 800 euros. Le propriétaire a augmenté, on a dit stop. Maintenant, on est à Saint-André, on paie 650 euros, mais mon mari fait 80 km aller-retour pour aller travailler à Saint-Leu, » témoigne Marie Patella. « On gagne en loyer ce qu’on perd en essence et en temps. C’est l’essence ou le loyer, on doit choisir. »
Cette situation résume le dilemme de milliers de Réunionnais : accepter une vie quotidienne épuisante faite de longs trajets sur des routes saturées, ou accepter de consacrer plus de 40% de ses revenus au seul paiement du loyer.
Le cri du cœur des maires
Face à ce marché privé dérégulé, la réponse institutionnelle, incarnée par les logements sociaux, n’arrive pas à suivre. Les listes d’attente s’allongent dramatiquement dans toutes les communes.
Les mairies tirent la sonnette d’alarme : sans un plan de construction massif, incluant des logements très sociaux et intermédiaires, les centres-villes et les zones littorales deviendront des « ghettos de riches » où les jeunes Réunionnais, les saisonniers ou les employés du service public ne pourront plus vivre.
La question est cruciale : Comment faire pour que les salariés qui font tourner l’économie de l’île puissent aussi y vivre dignement ? L’État et les collectivités locales peuvent-ils tolérer que des familles entières soient contraintes à l’exode vers les cirques ou les Hauts pour pouvoir simplement se loger ?
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