HÉRITAGE ET TERRE : Le labyrinthe des indivisions bloque des milliers de familles et l’avenir de l’île

Derrière la beauté des paysages réunionnais se cache une réalité foncière complexe : l’indivision. Ce phénomène, où des terrains sont hérités par de multiples descendants sans titre clair ni partage formel, concerne des milliers d’hectares et des dizaines de milliers de familles. Véritable bombe à retardement économique et sociale, le blocage des parcelles empêche la construction de logements, freine les projets agricoles et, dans de nombreux cas, déchire les familles. L’île est confrontée à une bataille historique pour la terre.

Comment l’Indivision Paralyse l’Île

L’indivision est un héritage direct de l’histoire foncière de La Réunion, où les successions n’étaient pas toujours formalisées, notamment dans les familles modestes. Aujourd’hui, un même lopin de terre peut appartenir légalement à plus d’une centaine d’héritiers, souvent éparpillés.

Ce blocage a des conséquences dramatiques :

• Impossible de vendre ou d’hypothéquer : Le terrain est « gelé » car l’accord de tous les indivisaires est requis pour toute transaction, ce qui est souvent impossible.
• Frein au logement : Les jeunes générations ne peuvent pas obtenir de permis de construire sur les terrains familiaux sans titre clair, aggravant la crise du logement.
• Dégradation du patrimoine : En l’absence de propriétaire unique responsable, les parcelles s’abîment, les maisons tombent en ruine et les terres agricoles sont abandonnées.

Des Solutions Lentes et Coûteuses

Plusieurs dispositifs (comme la loi de 2018 facilitant la sortie de l’indivision) tentent de débloquer la situation, mais le processus est lent, coûteux et requiert souvent l’intervention d’un notaire pour reconstituer des arbres généalogiques complexes s’étalant sur plusieurs générations.

De plus, ces démarches rouvrent souvent de vieilles blessures familiales. L’argent, la terre et la mémoire se mêlent, transformant le bureau du notaire en véritable cour d’assises des héritages

« Nous sommes 50 à hériter d’un hectare. Personne ne peut vendre, personne ne peut construire. Mon rêve d’élever mes enfants sur la terre de mon grand-père est impossible à cause d’une signature d’un cousin que je n’ai jamais rencontré, » confie un Réunionnais exaspéré par cette situation qui le bloque depuis des années.

La Réunion fait face à un défi monumental : réconcilier son histoire foncière avec son besoin de développement futur.