Une réforme fiscale majeure en perspective
Le gouvernement malgache a présenté au Conseil des ministres, puis soumis au Parlement, le projet de loi de finances initiale (PLFI) pour l’année 2026. Ce document marque un tournant dans la politique budgétaire et sociale du pays : l’un des dispositifs emblématiques est l’introduction d’un taux de Redevance sur les Services et Activités (RSA) porté à 25 %, appliqué notamment aux revenus mensuels supérieurs ou égaux à 4 millions d’ariary.
L’objectif annoncé est double : d’une part augmenter les ressources fiscales intérieures afin de mieux financer les politiques sociales, et d’autre part assurer une redistribution plus équitable, dans un pays où les défis en matière de pauvreté, infrastructures et services publics restent immenses.
Contexte et enjeux
Madagascar, confronté à d’importantes contraintes de développement, s’appuie sur cette réforme pour articuler rigueur budgétaire, relance économique et justice sociale. Les services du Fonds monétaire international (FMI) ont déjà signalé que la mobilisation des recettes domestiques constituait « le centre de la stratégie budgétaire des autorités ».
Par ailleurs, dans son ambition officielle pour 2026, le gouvernement envisage une croissance de 4,8 % du PIB, tout en faisant de l’adaptation au changement climatique et de la transformation agricole des priorités. Le taux de RSA à 25 % s’inscrit donc dans un cadre plus large de redéfinition des équilibres fiscaux et sociaux.
Priorités budgétaires et orientation 2026
Outre la mesure fiscale phare, le PLFI 2026 prévoit plusieurs axes significatifs :
- un renforcement des secteurs stratégiques : énergie, eau, santé, éducation ;
- une décentralisation accrue de la gestion des finances publiques vers les communes, afin d’améliorer l’adéquation entre les ressources et les réalités locales ;
- l’extension de l’assiette fiscale et l’amélioration de la collecte, tout en maintenant la pression fiscale globale à un niveau raisonnable (env. 11 % du PIB selon les projections).
Cette orientation suit la logique de budget dit « vert » que Madagascar souhaite développer : une nomenclature budgétaire dédiée aux dépenses climatiques a été initiée, et une version plus complète est attendue dans le PLFI 2026.
Réactions et défis
La mesure a suscité des réactions contrastées au sein de la société malgache. Les organisations de la société civile, les syndicats et le secteur privé ont demandé une concertation approfondie, garantissant que la réforme prenne en compte les enjeux du développement durable, de l’emploi et de l’inclusion sociale. Le dialogue public-privé organisé à Antananarivo en juillet 2025 en est une illustration.
Les défis à relever sont nombreux :
- l’élargissement de l’assiette fiscale sans pénaliser les classes moyennes et les petites entreprises ;
- la capacité de l’État à collecter efficacement dans un contexte de faiblesse des infrastructures et de gouvernance fragile ;
- la crédibilité du système public, face à des attentes élevées de résultats rapides et tangibles, notamment dans la réduction de la pauvreté et l’amélioration des services de base.
- Enfin, la réforme doit être compatible avec un environnement macro-économique tendu : inflation encore élevée, déficit à maîtriser, et dépendance aux financements externes.
Vers une mise en œuvre délicate
L’adoption du PLFI 2026 ne suffira pas : la mise en œuvre sera cruciale. Le gouvernement a prévu une loi de finances rectificative en juillet 2026, afin d’ajuster les dispositifs selon les résultats et l’évolution économique. Cette flexibilité est essentielle dans un pays aux nombreuses incertitudes.
De plus, la réforme devra s’accompagner de mesures de transparence et de gouvernance renforcée. L’expérience montre que sans une administration publique efficace, l’augmentation des taux fiscaux peut se traduire par une fuite des bases ou un manque de conformité. Le FMI insiste sur la nécessité d’une lutte renforcée contre la corruption et d’une amélioration de la qualité des dépenses publiques.
Le PLFI 2026 marque un moment charnière pour Madagascar. En portant le taux de RSA à 25 %, l’État affiche une volonté de s’attaquer aux racines de ses défis socio-économiques : faible collecte fiscale, services publics inadéquats, et pauvreté persistante.
Mais l’annonce est une chose, la réussite en est une autre. Pour que cette réforme soit réellement efficiente, elle doit s’inscrire dans une dynamique de gouvernance rénovée, où la mobilisation des recettes se combine à une meilleure allocation des dépenses, une inclusion accrue des citoyens, et une capacité de gestion territoriale renforcée.
À ce titre, le PLFI 2026 peut être vu comme un pari audacieux : celui de réorienter le modèle malgache vers plus de justice sociale et un développement plus équilibré. Le succès dépendra de la rigueur de sa mise en œuvre — mais aussi de la capacité du pays à transformer l’urgence d’aujourd’hui en un levier durable pour l’avenir.






















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