Privés d’accès à Vinted pour des raisons logistiques, les habitants de La Réunion pourraient pourtant être rattrapés par le durcissement de la fiscalité sur la revente entre particuliers. Une situation paradoxale, entre contournements informels et exposition croissante aux contrôles.
Depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne DAC7 impose aux plateformes comme Vinted de transmettre à l’administration fiscale l’identité des utilisateurs ayant réalisé plus de 2 000 euros de vente ou plus de 30 transactions par an. Cette mesure vise à détecter les activités commerciales dissimulées. Si la règle semble claire sur le papier, son application soulève plusieurs interrogations dans les territoires d’outre-mer, à commencer par La Réunion.
Une plateforme absente, mais des usages bien présents
Officiellement, Vinted n’est pas disponible à La Réunion. Le site ne propose ni livraison ni service local, invoquant des contraintes logistiques. Pourtant, cette absence n’a pas empêché une partie des usagers réunionnais de s’adapter : utilisation d’adresses métropolitaines de proches, boîtes postales externalisées, ou encore revente via des groupes Facebook ou boutiques de dépôt-vente.
Ces pratiques permettent de contourner l’indisponibilité du service, mais elles n’exonèrent pas pour autant des obligations fiscales. La réglementation européenne s’applique également aux utilisateurs ultramarins, dès lors que les transactions passent par un compte rattaché à la métropole.
Des ventes occasionnelles à l’activité dissimulée : une frontière floue
Le cas d’une Réunionnaise, utilisant le compte Vinted de sa sœur en métropole, illustre les dérives possibles. Après une cinquantaine de ventes, un signalement automatique au fisc a déclenché un courrier d’avertissement. L’administration a exigé la justification de l’origine des articles vendus. Or, en l’absence de factures ou de preuves d’achat, la frontière entre vente de seconde main et activité commerciale devient difficile à tracer.
Ces situations ne sont pas marginales. Les plateformes transmettent désormais automatiquement les données fiscales des usagers concernés, sans distinction de territoire.
Shein : l’autre angle mort d’une fiscalité inégalitaire
Autre acteur massivement utilisé à La Réunion : Shein, le géant chinois du prêt-à-porter. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une plateforme de revente, la marque est au cœur de plusieurs débats fiscaux. Shein bénéficie d’optimisations sur la gestion de ses invendus, notamment par le biais de dons associatifs, ouvrant droit à des déductions fiscales.
Ce modèle, qui permet de réduire la charge fiscale tout en écoulant les stocks, pourrait être remis en question à l’horizon 2026. En attendant, il renforce un sentiment d’injustice : les particuliers sont surveillés, les grandes plateformes contournent.
Des solutions pour éviter les mauvaises surprises
Pour les Réunionnais, plusieurs pistes permettent de limiter les risques :
- Utiliser en priorité des circuits locaux (Leboncoin, marketplaces réunionnaises, groupes Facebook)
- En cas de ventes régulières, opter pour le statut de micro-entrepreneur, plus avantageux fiscalement que la taxation à 33 % des “revenus divers”
- Conserver systématiquement les justificatifs d’achat des objets revendus, afin de pouvoir attester de leur origine en cas de contrôle
La multiplication des ventes informelles, même de faible montant, constitue un risque fiscal sous-estimé. L’administration dispose aujourd’hui des moyens techniques pour recouper les informations transmises par les plateformes, y compris lorsque l’activité semble marginale.