Le créole, c’est l’âme de La Réunion, le socle de notre histoire. Pourtant, une alerte monte depuis les familles et les cours d’école : la langue de nos grands-parents recule. Dans de nombreux foyers, notamment urbains, le français est devenu la langue dominante, reléguant le créole au rang d’argot ou de langue des jours de fête. Une génération est-elle en train de perdre son héritage linguistique, et l’école a-t-elle les moyens de sauver ce trésor péï ?
C’est un silence qui en dit long. Alors que les adultes et les aînés s’interpellent toujours en créole, de plus en plus de jeunes ne le maîtrisent plus qu’à l’état passif. Ils comprennent, mais ils ont du mal à le parler couramment, préférant un français standard ou un créole très francisé.
Le dilemme du foyer : la pression sociale du « bon français »
Pour beaucoup de parents, l’usage du français est lié à l’ascension sociale. Historiquement, le créole était associé à la paysannerie, au travail et, parfois, au manque d’éducation. Même si cette stigmatisation s’est atténuée, elle n’a pas disparu.
« J’ai grandi avec ‘parl pa kréol’ à l’école, mais aussi à la maison, » témoigne Marie, une mère de famille à Saint-Denis. « Mes enfants n’apprennent le créole qu’avec leur grand-mère. On a fait le choix de parler français pour leur donner ‘toutes les chances’ à l’école. »
Cette pression, souvent inconsciente, crée une fracture. La langue est perçue comme un frein potentiel à la réussite dans le système éducatif national, tandis que le créole est relégué au folklore ou aux blagues entre amis.
L’école, dernier rempart ?
Face à ce recul dans les foyers, tous les regards se tournent vers l’Éducation Nationale. Peut-elle et doit-elle être le rempart pour la transmission ?
Actuellement, l’apprentissage du créole est proposé comme option ou comme langue facultative. Les initiatives des enseignants passionnés existent, mais elles se heurtent à la lourdeur des programmes et au manque d’heures dédiées.
- Le rôle du Créole : Pour les linguistes, le créole n’est pas un dialecte, mais une langue à part entière, dont l’apprentissage est crucial pour l’accès à l’histoire et à la culture locale. Le préserver, c’est préserver notre mémoire collective.
- Le Paradoxe : L’école valorise la diversité linguistique, mais peine à intégrer pleinement le créole comme langue d’enseignement à part entière.
Que faire pour sauver notre trésor ?
Le salut de la langue créole ne viendra pas seulement des bancs de l’école. Il doit avant tout être réhabilité dans les foyers.
Le créole est un outil de richesse, pas un handicap. C’est le lien avec nos racines et une preuve de notre métissage unique. Soutenir les médias, les artistes et les conteurs qui s’expriment en créole, mais surtout le parler fièrement avec nos enfants au quotidien, voilà la véritable clé pour que la langue de La Réunion ne devienne pas, dans quelques générations, qu’un lointain souvenir.
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