Alors que le pouvoir d’achat reste l’une des préoccupations majeures des familles réunionnaises, une nouvelle série de données de l’INSEE et de l’OPMR vient raviver le débat : les salaires stagnent, les prix augmentent… et les grandes enseignes semblent tirer profit d’un modèle déséquilibré.
Entre marges élevées, dépendance aux importations et concurrence limitée, la vie chère apparaît moins comme une fatalité que comme un système installé.
Des salaires trop bas pour suivre le coût de la vie
À La Réunion, le salaire net moyen privé plafonne à 2 260 €, soit 8,6 % de moins qu’en métropole — un écart qui se creuse depuis dix ans.
Le salaire médian, lui, reste bloqué sous les 1 780 €, ce qui place une grande partie des ménages sous tension permanente.
Les plus modestes ont vu leur rémunération augmenter légèrement (+2,7% entre 2015 et 2023), mais les emplois qualifiés se faisant rares sur l’île, la majorité peine à évoluer autant que les prix.
Résultat : chaque hausse à la caisse, à la pompe ou sur les factures pèse de plus en plus lourd.
Des marges commerciales parmi les plus élevées de France
C’est l’un des points les plus sensibles.
Selon l’INSEE, la grande distribution réunionnaise affiche des marges commerciales supérieures à celles de l’Hexagone :
- 21,4% de marge médiane (contre 19,1% en métropole)
- 4,8% d’excédent brut d’exploitation (contre 2,1% en France)
Pour les produits importés, le déséquilibre saute aux yeux :
- prix d’achat : 1,38 €
- prix final HT : 2,46 €
➡️ +79% entre l’entrée sur l’île et l’étagère du magasin
➡️ marge brute : 22%, octroi de mer limité à 10%
À l’inverse, les produits locaux ne subissent que +11% entre le producteur et le client.
Cette différence nourrit un sentiment d’injustice : pourquoi l’import coûte-t-il autant alors que les taxes expliquent peu l’écart ?
Inflation : quand tout augmente… sauf les salaires
En 2024, l’inflation atteint +2,8% à La Réunion, soit davantage qu’en métropole.
Les prix alimentaires, énergétiques et logistiques restent élevés, tandis que la croissance économique ralentit (+0,5%).
Le pouvoir d’achat augmente à peine de 1,2%, insuffisant pour absorber les hausses dans le caddie.
L’OPMR souligne que les marges des distributeurs ne baissent pas malgré la conjoncture : un système verrouillé, où les consommateurs n’ont que peu de choix.
Un marché concentré, une concurrence limitée
À La Réunion, trois grands groupes contrôlent 80% du marché :
- GBH (Carrefour / Jumbo)
- Leclerc
- Système U
Avec seulement trois hypermarchés Jumbo, sept Leclerc et 28 magasins U, la concurrence est réelle… mais très encadrée, ce qui limite les baisses de prix.
Les importateurs privés, eux, fonctionnent sur des volumes faibles, ce qui renchérit mécaniquement les coûts — mais aussi les marges.
Quelles solutions pour faire baisser la vie chère ?
Plusieurs pistes émergent pour 2025 :
✔️ Élargissement du Bouclier Qualité-Prix (BQP) à 250 produits
Une mesure attendue qui pourrait soulager les familles modestes.
✔️ Transparence obligatoire sur la chaîne de valeur
L’OPMR mène des travaux pour imposer plus de clarté sur les marges.
✔️ Réduction des frais d’importation
Le fret maritime et la logistique restent parmi les plus gros postes du prix final.
✔️ Développer le local
Les produits péi restent les moins surtaxés lors de la distribution (+11%).
De plus en plus de voix demandent d’augmenter l’autonomie alimentaire.
Entre stagnation salariale et marges élevées : un modèle à rééquilibrer
Ce que révèlent les données, c’est un système entier :
➡️ importations massives,
➡️ marges commerciales supérieures,
➡️ salaires faibles,
➡️ concurrence limitée.
Et au centre : des ménages réunionnais qui subissent de plein fouet la vie chère.
Le débat ne fait que commencer, mais une chose est claire :
sans réforme structurelle, les prix continueront de grimper plus vite que les salaires.
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