Infrastructures. Présentée comme une prouesse d’ingénierie, la Nouvelle Route du Littoral reste inachevée plus de dix ans après le début des travaux. Retour sur un projet aussi nécessaire que controversé.
Annoncée en grande pompe au début des années 2000, la Nouvelle Route du Littoral (NRL) devait répondre à un impératif vital pour La Réunion : sécuriser la liaison entre Saint-Denis, chef-lieu de l’île, et La Possession, porte d’entrée vers l’ouest et ses zones d’activités. L’actuelle route en corniche, inaugurée en 1963, serpente entre océan et falaise. Elle est à la fois indispensable pour les 70 000 véhicules qui l’empruntent chaque jour, et dangereusement exposée aux chutes de pierres et aux houles cycloniques.
Un chantier hors norme pour une île contrainte
La NRL, longue de 13 km, devait révolutionner la mobilité à La Réunion. Initialement prévue pour 2020, elle combine viaducs et digues pour contourner les risques naturels. Mais en 2025, seules 9 km sont ouvertes à la circulation. Et le coût du projet, estimé à 1,6 milliard d’euros à son lancement, a déjà dépassé les 2,5 milliards, faisant de cette infrastructure l’une des plus chères au monde, avec un coût estimé à près de 200 millions d’euros par kilomètre.
Retards, conflits et environnement fragilisé
Les raisons de ce dérapage sont multiples : conflits judiciaires autour des marchés publics, oppositions environnementales à l’ouverture de carrières nécessaires à la construction des digues, défauts techniques comme des acropodes mal posés, ou encore changements d’options techniques au gré des mandatures régionales.
Outre les impacts budgétaires, les conséquences écologiques sont lourdes : destruction de coraux, perturbation des mammifères marins et des oiseaux de falaise. Malgré des mesures compensatoires annoncées, 10 des 15 actions prévues n’avaient pas été entamées en 2020, selon la Chambre régionale des comptes.
Une solution finalement envisagée… dès le début
Ironie du sort, l’option finalement retenue en 2022 — une fin de chantier 100 % viaduc — figurait déjà parmi les propositions initiales du projet. Elle avait été écartée pour son coût plus élevé… avant d’être réhabilitée comme la seule alternative durable.
Aujourd’hui, la présidente de Région Huguette Bello a fixé un nouvel horizon : 2030. Le chantier devrait reprendre au second semestre 2025. Mais les Réunionnais attendent encore que cette artère stratégique soit totalement sécurisée, sans qu’elle devienne à nouveau l’otage de décisions politiques ou de blocages logistiques.