Elle est diététicienne, mais surtout fine observatrice des blessures intérieures qui rongent notre époque. Avec Place au changement !, publié le 1er juin aux éditions Baudelaire, Alexia Lassabe livre un texte hybride et audacieux, entre introspection, récit de vie et développement personnel. À travers le parcours d’Eva, son héroïne en quête de repères, elle explore des thématiques aussi universelles que le mal-être, la dépendance affective, la sexualité, la solitude ou encore le poids des injonctions sociales.
Dans cette interview, Alexia Lassabe revient sur ce qui l’a poussée à écrire, ce qu’elle souhaite transmettre à travers ce premier roman, et pourquoi amorcer le changement commence toujours par un retour sincère vers soi.
1. Pourquoi avoir choisi « Place au changement » comme titre de votre livre, et comment ce livre peut-il nous aider à mieux nous comprendre ?
Parce que c’est là que tout commence : ce moment où quelque chose en nous ne sonne plus juste. Et tant qu’on lui résiste, on reste figé dans des versions de nous-mêmes qui ne nous ressemblent plus.
Place au changement ! C’est un appel à se regarder en face, à déposer les « il faut », les masques, les attentes extérieures, et à faire enfin de la place… pour soi.
Souvent, on lit des livres inspirants… mais une fois refermés, on ne sait pas toujours quoi en faire. Comment les appliquer dans la vraie vie ? Ce livre part de ce point-là. Du flou, du quotidien, des hésitations.
Ce n’est pas un guide, ni un livre de solutions toutes faites. C’est un compagnon de route. Un espace pour explorer, ressentir, questionner. Il ne cherche pas à vous dire quoi faire, mais à vous inviter à vous écouter autrement. À mettre des mots là où ça coince. À revenir à ce qui compte vraiment pour vous. Dedans. Il propose des pistes, des regards croisés, pour que chacun y trouve ce qui résonne, ce qui soulage, ce qui aide à avancer à sa façon.
L’héroïne, elle, ne cherche pas à être parfaite. Elle tâtonne. Elle prend ce qu’elle lit, ce qu’elle entend dans un podcast, un article, un livre, une vidéo et elle essaie de l’intégrer dans sa vraie vie. Elle en parle avec ses amis, elle observe ses réactions, elle se questionne dans ses choix, ses relations, ses silences.
Ce livre, c’est le reflet de ce chemin-là : une exploration sensorielle, intime, vivante et vulnérable de tout ce qui se passe en nous quand on doute, quand on aime, quand on se perd… ou quand on sent que quelque chose doit changer, sans trop savoir par où commencer.
2. Eva, votre héroïne, traverse des épreuves qui parlent à beaucoup d’entre nous. Comment son parcours s’inspire-t-il de la réalité des jeunes adultes aujourd’hui ?
Eva, c’est un peu nous tous. Elle n’a rien d’héroïque, et c’est justement ce qui la rend si proche. Elle est perdue, souvent. Elle doute, elle chute, elle essaie. Elle a cette impression tenace de “ne pas être assez”. Et dans sa bataille pour être vue, reconnue, fière d’elle… quelque chose, au fond, ne sonne plus juste.
Elle ressent beaucoup, sans toujours savoir pourquoi. Parfois, elle se perd dans les réseaux, dans des relations floues, dans des discussions où personne ne s’écoute vraiment. Dans des routines qui rassurent… mais qui l’éteignent. Comme beaucoup de jeunes aujourd’hui.
Elle vit des contradictions familières : Vouloir être soi, mais craindre de ne plus être aimé.Vouloir l’amour, mais douter de pouvoir le vivre sans se perdre. Vouloir ralentir, mais se sentir coupable dès qu’on prend du temps pour soi. Elle avance comme elle peut, entre peur et élan, entre hyperconnexion et besoin de vrai.
3. Vous parlez des réseaux sociaux comme des pièges dans votre livre. Comment ces plateformes influencent-elles notre identité et notre bien-être ?
Les réseaux ont bouleversé notre rapport à nous-mêmes. Ils donnent l’impression qu’on existe à travers le regard des autres. Alors on poste, on attend des likes, on compare, on ajuste notre image. On essaie d’être inspirant, disponible, performant… même quand on est épuisé. Et peu à peu, on oublie de sentir ce qui est juste pour nous. On se déconnecte.
Les écrans, eux, captent tout. Notre attention, nos émotions, notre énergie. Un scroll, puis un autre. Une vidéo, un message, une notification. Et sans qu’on s’en rende compte, une heure a filé. Ce n’est pas qu’on s’est reposé. C’est qu’on a été happé. Littéralement. Comme si notre regard, notre présence, glissaient dans une autre réalité.
Des plateformes comme TikTok ou certains jeux vidéo misent sur cette logique : vitesse, saturation, effet tunnel. Tu t’arrêtes une seconde sur une vidéo… et l’algorithme te garde captif. Ce qu’on pense être une ouverture devient une boîte qui se referme. On est exposé toujours aux mêmes contenus, aux mêmes émotions, aux mêmes réflexes. Et plus on reste, plus notre champ d’attention, de pensée, d’existence… se réduit.
Le plus troublant, c’est que tout ça a l’air normal. Socialement valorisé. Moderne. Sauf qu’à force, on vit plus dans nos écrans que dans nos vies. On est physiquement ensemble, mais mentalement ailleurs. Les relations humaines s’appauvrissent. Le silence fait peur. Et la frontière entre le réel et le virtuel devient floue.
Les réseaux sont des outils puissants. Mais quand on commence à mesurer notre valeur en fonction des likes ou des stories des autres, on s’éloigne de soi. Un outil, ça s’utilise. Ça ne doit pas nous utiliser. Il ne s’agit pas de tout quitter, mais de réapprendre à choisir. À décrocher quand il le faut. À se préserver. Ce livre, c’est un rappel : tu n’es pas seul à ressentir ça. Il ne dit pas de fuir complètement les réseaux, mais de ne pas les laisser t’abîmer.
4. Un chapitre entier est dédié aux « Sur-stimulation et dépendances » comme les soirées ou le sport. Pourquoi pensez-vous que ces comportements sont si répandus chez les jeunes aujourd’hui ?
Parce qu’ils ont l’air inoffensifs. Et qu’ils sont socialement valorisés. Aller courir, sortir entre amis, s’inscrire à mille activités, c’est vu comme « sain », « actif », « positif ». Mais parfois, sous cette apparence lisse, il y a un évitement. Une fuite. Une peur du vide. Ce sont juste des façons parfois d’anesthésier ce qu’on ne veut pas sentir : un trop-plein d’émotions, une fatigue intérieure, une blessure pas digérée. Alors on remplit, on évite… et on s’éloigne du silence, pourtant nécessaire, où naît la vraie transformation.
Mais quand on en prend conscience, on peut ajuster le rythme. Garder certaines activités, sans s’y perdre. Et surtout, s’accorder des moments pour soi. Pas pour fuir, mais pour se retrouver. Des temps calmes, sincères, qui permettent de faire le point, de comprendre ce qu’on vit, et d’avancer avec plus de clarté. Parce que c’est aussi dans ces espaces-là qu’on se construit. Vraiment.
5. Votre livre aborde des sujets intimes comme l’amour et la solitude. Comment aborder ces thèmes sans tomber dans les clichés ?
Les relations amoureuses ne sont pas qu’une belle histoire à deux. C’est aussi tout ce que ça fait remonter : nos manques, nos peurs, nos incohérences. Et la solitude, ce n’est pas juste un moment sans l’autre. C’est parfois un face-à-face déroutant avec soi.
Dans le livre, je ne donne pas de définitions de l’amour ou de la solitude. Je montre ce que ça fait dans un corps, dans un cœur, dans une pensée qui tourne en boucle à 3h du matin. Je parle des non-dits, des besoins qu’on n’ose pas formuler, des attentes qu’on projette sans s’en rendre compte. Et je montre ces moments où tout s’effondre… pour mieux se reconstruire. Ce qu’on comprend quand on touche le fond et ce qu’on ressent quand le bruit s’arrête enfin.
Éviter les clichés, c’est aussi écrire sans filtre. Sans vouloir faire joli. Juste vrai.
6. Comment transformer une rupture, souvent perçue comme un échec, en une opportunité de renouveau personnel ?
En laissant l’échec apparent exister, sans chercher à le couvrir . Juste le ressentir, là où ça serre, là où ça pique, là où ça fatigue. Le laisser traverser, plutôt que l’éviter.
Une rupture, ce n’est pas qu’une fin. C’est une invitation. À regarder ce qu’on attendait de l’autre. À comprendre ce qu’on n’a pas su dire. À guérir ce qu’on traînait depuis longtemps. C’est une zone de déconstruction féconde, si on ose la traverser sans faire semblant..
Le livre ne minimise pas la douleur. Il ne dit pas de rester fort mais de rester vrai. Il dit : tu peux transformer cette douleur en force, mais il faudra d’abord l’écouter.
7. Vous dites que votre livre ne donne pas de solutions toutes faites, mais il propose des pistes. Par où commencer pour « amorcer le changement » ?
Par là où ça coince. Là où ça fait mal. Là où on se sent perdu, agacé, triste, ou bloqué. Ce n’est pas toujours évident. Parfois, c’est une fatigue qu’on traîne depuis des mois. Un sentiment de « trop » ou de « pas assez ». Un truc flou qui murmure : quelque chose n’est plus aligné. Et c’est là qu’il faut aller.
Amorcer le changement, ce n’est pas forcément faire un grand saut. C’est souvent plus simple, plus discret : s’asseoir avec soi, mettre des mots sur ce qu’on vit, reconnaître ce qu’on évite. Dans le livre, chaque chapitre ouvre une porte différente : le besoin de validation, la surcharge mentale, la dépendance affective, le rapport au corps, le silence intérieur…
Ce livre ne donne pas de recettes toutes faites. Il propose un espace pour réfléchir, pour questionner, pour évoluer à son rythme. Parce qu’il n’y a pas une seule vérité, mais plein de façons de voir, de ressentir, de comprendre. La clé, c’est la curiosité : être curieux des autres, de leurs histoires… mais aussi de soi, de ce qu’on n’a pas encore exploré, de ce qui attend à l’intérieur.
La clé, c’est de revenir à soi avec honnêteté, douceur et vulnérabilité. Sans se juger. En se pardonnant. Commencer, c’est dire : j’arrête de me fuir. Et rien que ça, c’est déjà énorme.
8. En tant que professionnelle de santé à La Réunion, quelles sont les spécificités locales en matière de santé et de construction de soi ?
Dans notre société, et à La Réunion en particulier, les liens familiaux, les traditions et les attentes sociales occupent une grande place. C’est ce qui fait la richesse du vivre-ensemble ici. Mais parfois, tout ça laisse peu d’espace pour dire ce qu’on ressent vraiment et juste être soi.
À La Réunion, prendre soin de sa santé devient un vrai défi. L’alimentation fait partie de notre culture : elle est riche, savoureuse, souvent équilibrée. Mais nos modes de vie ont changé. On bouge moins qu’avant, on garde les mêmes portions, voire on mange davantage. Le bouillon brèdes du soir, qui venait alléger le repas, tend à disparaître. Et dans le même temps, les produits industriels, absents autrefois, se sont installés dans notre quotidien.
Manger sain devient aussi plus cher. Beaucoup doivent faire des choix, parfois au détriment de leur santé. Et même si l’éducation progresse, l’accès reste inégal. Connaître les bons gestes ne suffit pas quand on ne peut pas les appliquer.
Côté santé, la peur du diagnostic pousse certains à retarder les consultations. Résultat : ils arrivent à l’hôpital trop tard, alors que ça aurait pu être évité.
Heureusement, la solidarité reste forte ici. Les liens sont encore vivants. Mais on commence à voir les mêmes signes qu’en métropole : isolement, stress, pression.
Se construire, ici, c’est donc aussi apprendre à écouter son corps, à sortir du “on verra plus tard”. C’est redonner de la valeur aux choses simples, à l’équilibre, à la prévention. Parce qu’on mérite tous de se sentir bien. Vraiment.
9. Votre livre semble vouloir résonner comme une voix douce mais lucide. Quel message donneriez-vous à un jeune adulte en pleine remise en question ?
Tu n’es pas seul. Même si tu te sens à côté. Même si t’as l’impression que tout le monde autour avance pendant que toi, tu galères à tenir debout.
Ce livre existe pour ça. Pour remettre un peu d’authenticité dans ce qu’on vit. Pour dire tout haut ce que beaucoup taisent : qu’on tombe, qu’on doute, qu’on fait ce qu’on peut. Qu’on essaye d’aller bien, mais que parfois, on n’y arrive pas. Et que c’est ok.
On montre souvent le meilleur, on cache le reste. Alors on croit qu’on est les seuls à être paumés. Qu’on a raté quelque chose. Mais non. Personne n’a tout compris. On avance tous à notre manière, avec nos failles, nos silences, nos questions.
Ce livre, c’est une main tendue. Une façon de dire : je te vois, tu n’es pas seul à traverser ça. C’est une invitation à ralentir, à s’écouter sans se juger. Et surtout, à se rappeler qu’on est plusieurs à chercher, à se relever, à essayer de comprendre.
Parce qu’on a besoin les uns des autres. Pour se soutenir. Pour se dire que non, ce n’est pas toujours simple. Et que c’est justement ça, la vraie vie.
10. Quels sont vos projets à venir ? Pouvez-vous nous en dire plus sur vos prochains livres ou projets liés à « Place au changement » ?
Place au changement n’est que le premier d’une série. Plusieurs tomes suivront, chacun abordant des sujets différents, en lien avec les grandes questions qui traversent notre époque.
On parlera de ce qu’on ressent… quand on ne sait pas toujours comment l’exprimer. De nos émotions qui, souvent, cachent des besoins plus profonds. De cette sensation étrange qu’il manque toujours quelque chose, même quand on a tout. Et du déséquilibre qu’on vit dans un monde en perpétuelle évolution.
On explorera aussi le cycle de la vie, les débuts, les fins, et la façon d’accueillir ces passages. On parlera des relations comme des miroirs : ce qu’elles réveillent en nous, nos blessures, nos peurs… Et de la difficulté à connaître et poser ses limites sans culpabilité.
Il sera aussi question du poids de l’image, de ce qu’on montre au monde… versus la réalité. Des masques qu’on porte sans s’en rendre compte, de nos gardiens intérieurs, et de notre manière de tout contrôler pour éviter d’avoir mal.
La sexualité aura toute sa place, dans sa vérité, sa complexité, ses silences. Comment en parler sans gêne ni injonction. Comment dépasser certains blocages, peurs ou automatismes. Comment reconnecter le corps, le désir, le respect de soi.
Chaque livre sera une invitation à se retrouver. À sortir du bruit pour écouter ce qui compte vraiment. À faire place, en soi, au changement.
Le livre est d’ores et déjà disponible dans toutes les Fnac de La Réunion, et peut être commandé dans l’ensemble des autres librairies de l’île.
📚 À vos agendas ! Voici les prochaines rencontres avec l’autrice pour une séance de dédicace :
- Samedi 9 août – Fnac Le Port – à 15h
- Samedi 11 octobre – Salon Athéna (stand Fnac) – de 10h à 12h
- Dimanche 12 octobre – Salon Athéna (stand Fnac) – de 14h à 16h
- Samedi 8 novembre – Fnac Grand Large – à 14h30
- Samedi 6 décembre – Fnac Sainte-Marie – à 15h
L’occasion idéale pour échanger autour du livre, poser vos questions et repartir avec un exemplaire signé !