La Réunion fait face à une crise sociale et économique sans précédent, où la vie chère et l’accès au logement sont devenus des défis majeurs pour des milliers de ménages. Les chiffres sont éloquents :
- 16 % d’écart de prix en moyenne avec la métropole, jusqu’à 40 % pour les denrées alimentaires (Autorité de la concurrence).
- 19 % à 38 % de coût de la vie plus élevé qu’en Hexagone, creusant une fracture sociale insupportable.
- 35 % d’augmentation des loyers en cinq ans, avec un prix moyen de 16 €/m², plaçant La Réunion parmi les régions les plus chères de France.
Pour les Réunionnais, dont plus de la moitié vit avec moins de 1 100 € par mois et 320 000 sous le seuil de pauvreté, le logement représente un fardeau insoutenable :
- 50 % à 80 % du budget des ménages part en loyer, certains allant jusqu’à 85 %.
- 70 % des Réunionnais éligibles au logement social, mais seulement 25 % y ont accès.
- 50 000 demandes en attente, 143 000 personnes mal-logées, et une production de logements aidés en chute libre (de 3 000 en 2017 à 1 700 en 2024).
Face à cette urgence, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité (169 voix pour, 0 contre) une loi expérimentale pour encadrer les loyers et adapter les normes de construction. Un texte transpartisan, porté par la sénatrice Audrey Bélim et le député Frédéric Maillot, soutenu par le gouvernement.
À La Réunion, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le coût de la vie y est supérieur de 16 % en moyenne à celui de l’Hexagone, avec des écarts dépassant les 40 % pour les produits alimentaires, selon l’Autorité de la concurrence. Le logement y représente une charge particulièrement lourde : les loyers ont augmenté de 35 % en cinq ans, avec un prix moyen au mètre carré de 16 euros, équivalent à celui de certaines grandes métropoles hexagonales. Et ce, alors que plus de la moitié de la population vit avec moins de 1 100 euros par mois.
Dans ce contexte, la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale le 5 juin se veut un outil de régulation ciblé, porté par une coalition transpartisane. Elle avait déjà été adoptée au Sénat en mars. Si elle ne résout pas l’ensemble des causes de la vie chère, elle entend corriger deux angles morts : l’encadrement des loyers et l’adaptation des normes de construction.
Un encadrement des loyers enfin possible dans les outre-mer
Jusqu’ici, les dispositifs prévus par la loi Elan de 2018 pour encadrer les loyers en zones tendues n’étaient pas applicables aux territoires ultramarins, bien que plusieurs d’entre eux remplissent les critères d’éligibilité. Ce vide juridique est désormais comblé.
Le texte prévoit une expérimentation de cinq ans, laissée à la main des collectivités, dans les communes classées en zone tendue. À La Réunion, neuf communes sont concernées, parmi lesquelles Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Louis ou encore Le Tampon.
Cette mesure pourrait, selon ses promoteurs, faire économiser jusqu’à 120 euros par mois aux locataires. Elle repose sur l’Observatoire local des loyers, déjà opérationnel dans l’île. Les hausses brutales et déconnectées des réalités économiques locales seraient ainsi limitées, sans pour autant bloquer la rentabilité des petits propriétaires.
Vers une autonomie normative dans le secteur du bâtiment
L’autre volet majeur du texte concerne les normes de construction, jugées trop rigides et inadaptées aux spécificités climatiques, géographiques et économiques des outre-mer. La loi autorise ainsi, à titre expérimental, des dérogations au marquage CE pour les matériaux, souvent à l’origine de surcoûts estimés à 12 % à La Réunion.
Des comités référentiels locaux verront le jour pour établir des standards adaptés aux réalités des territoires, tout en valorisant les filières locales. À la clé, une possible réduction du coût de construction, aujourd’hui l’un des principaux freins à la production de logements abordables.
Des attentes fortes pour un futur texte global
Si ce premier pas est salué, il ne répond pas à l’ensemble des revendications des élus ultramarins. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a reçu plusieurs d’entre eux le mardi 4 juin pour leur présenter les grandes lignes d’un projet de loi global contre la vie chère, attendu d’ici l’été.
« Il est de bonne volonté et va plus loin que ses prédécesseurs, mais cela reste une réponse timide et parcellaire », a déclaré le député martiniquais Jean-Philippe Nilor (La France insoumise) à l’issue de la réunion, selon les propos rapportés par la journaliste Julie Postollec (Outre-mer la 1ère, 4 juin). La députée socialiste Béatrice Bellay y voit quant à elle une base de travail encore incomplète : « Il faut aller plus fort dans une transformation de notre modèle ».
Le Réunionnais Frédéric Maillot (GDR), rapporteur du texte sur l’encadrement des loyers, déplore que les dimensions de la mobilité, de la santé ou encore des carburants ne soient pas suffisamment prises en compte. Selon lui, le cœur du problème reste les grandes entreprises qui dominent les circuits économiques :
« Le nœud du combat, c’est face à ces personnes-là. Il faut du courage, de l’ambition et de la cohérence. »
Prochaines étapes : assises populaires et navette parlementaire
En amont de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, prévue pour début juillet, des “assises populaires de la vie chère” seront organisées en Martinique les 12, 13 et 14 juin. Elles réuniront élus, syndicats et représentants associatifs des Outre-mer, ainsi que des parlementaires hexagonaux et européens. Objectif : enrichir le futur texte avec des propositions émanant directement des territoires concernés.
En attendant, le texte voté le 5 juin constitue une première réponse législative à une crise sociale persistante, dont La Réunion demeure l’un des épicentres. Reste à savoir si les dispositifs annoncés seront mis en œuvre rapidement et s’ils parviendront, dans la durée, à alléger le quotidien de populations lourdement affectées par des inégalités structurelles.