Alors que les Réunionnais ressortent les couettes et les pulls pour accueillir l’hiver austral, la France hexagonale suffoque sous une vague de chaleur inédite. En ce mois de juin 2025, les contrastes climatiques entre les territoires français n’ont jamais été aussi saisissants. D’un côté, la Plaine des Sables se pare de givre. De l’autre, le thermomètre grimpe jusqu’à 41 °C dans le sud de la métropole. Deux réalités parallèles, révélatrices d’un monde où les extrêmes climatiques deviennent la norme.
Un hiver austral bien installé à La Réunion
À La Réunion, l’hiver austral s’installe dans toute sa rigueur. Si les températures restent douces sur le littoral, les hauts de l’île enregistrent déjà des valeurs hivernales marquées. Entre le vendredi 13 et le dimanche 15 juin, un épisode de refroidissement a marqué un tournant dans la saison. En cause : un front froid en provenance du sud-ouest, qui a apporté nuages, pluies passagères et un vent soutenu. Résultat : une baisse généralisée des températures, surtout perceptible dans les Hauts.
Le vent de sud-est, parfois violent, a renforcé la sensation de fraîcheur. Les rafales ont atteint jusqu’à 80 km/h dans les zones les plus exposées, comme le Sud sauvage ou le Nord-Est de l’île. Ce flux d’air sec a dégagé le ciel, mais le ressenti thermique s’est nettement rapproché des standards hivernaux, notamment dans les cirques et sur les plateaux.
Parmi les observations les plus notables :
- Le 4 juin, la Plaine des Sables s’est transformée en véritable décor polaire, avec du givre visible dès le lever du jour.
- Le 21 juin, une température de 1,8 °C a été relevée au gîte du Volcan, avec une gelée blanche bien visible à 7h40 du matin.
Sur le plan maritime, une houle australe modérée a touché les côtes sud et ouest, avec des vagues entre 3 et 3,5 mètres, sans événement exceptionnel. Du côté de Mayotte, des vents soutenus (50 à 60 km/h) et une houle de plus de 2 mètres ont mené à des risques de submersion côtière, surtout en période de marée haute.
La métropole suffoque
Pendant ce temps, à plus de 10 000 kilomètres, la France hexagonale fait face à une canicule d’une ampleur historique. Depuis le vendredi 27 juin, les températures dépassent les seuils de vigilance dans une grande partie du territoire. Le lundi 29 juin, 84 départements étaient en vigilance orange pour risque de fortes chaleurs – du jamais vu depuis que le dispositif existe.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a qualifié la situation d’« inédite ». Le précédent record, établi en juillet 2019, concernait 81 départements. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, parle quant à lui d’une vague de chaleur d’une durée « anormalement longue » pour la saison.
Températures enregistrées
Les relevés de ces derniers jours donnent le vertige :
- Dimanche 29 juin : de 35 à 38 °C sur une grande partie du sud du pays, avec des pointes à 40,9 °C à Grospierres (Ardèche), 40,1 °C à Vinsobres (Drôme), et 39,9 °C à Cadenet (Vaucluse). À 10 h du matin, il faisait déjà 34 °C à Marseille et 35 °C à Perpignan.
- Lundi : des températures stationnaires avec jusqu’à 40 °C dans le Midi méditerranéen, et entre 34 et 38 °C ailleurs.
- Mardi et mercredi : les minimales nocturnes dépassent 24 °C dans de nombreuses villes, et les maximales flirtent avec les 41 °C.
Une baisse modérée des températures est attendue en fin de semaine, à commencer par les régions de la façade atlantique, mais le sud pourrait rester en surchauffe jusqu’au week-end.
Des mesures d’urgence déclenchées
Face à cette situation critique, le gouvernement a déclenché plusieurs dispositifs d’urgence :
- Réunion de crise : Une cellule interministérielle s’est réunie à Beauvau pour rappeler les consignes à suivre, notamment dans les établissements de santé.
- Conditions de travail : Un décret entre en vigueur mardi, obligeant les entreprises à adapter les horaires ou les postes en cas de chaleur excessive.
- Éducation : Le ministère de l’Éducation nationale autorise les parents à garder leurs enfants à domicile. À Tours, toutes les écoles ferment l’après-midi lundi et mardi. Environ 200 établissements scolaires sont partiellement ou totalement fermés dans le pays.
- Circulation : Des limitations de vitesse sont mises en place, notamment une baisse de 20 km/h sur l’A86 autour de Paris. Il est recommandé de privilégier le télétravail et de réduire les trajets en voiture.
- Pollution : Les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et l’Île-de-France sont en alerte ozone, avec un dépassement des seuils sanitaires.
- Feux de forêt : Le risque est élevé dans plusieurs départements du sud. L’Aude a déjà été touchée par d’importants incendies.
- Biodiversité en danger : Les températures dans certains nids dépassent les 40 °C, ce qui menace directement certaines espèces. L’accélération de la décomposition des algues vertes entraîne également la fermeture de plages.
Deux climats, un même enjeu : le dérèglement climatique
Cet épisode caniculaire est le cinquantième enregistré à l’échelle nationale depuis 1947, et le trente-troisième depuis l’an 2000. Ce n’est plus une exception, c’est une tendance. La cause ? Un dôme de chaleur, c’est-à-dire un puissant anticyclone qui piège l’air chaud près du sol.
Ce phénomène concerne tout le sud de l’Europe : des températures dépassant les 46 °C ont été relevées en Espagne, et plus de 40 °C dans plusieurs régions d’Italie, où les hôpitaux sont déjà sous tension.
À l’opposé, La Réunion connaît un hiver classique, mais de plus en plus marqué par des extrêmes eux aussi : gelées précoces, vents forts, alizés plus fréquents. Le tout sur fond de changements climatiques globaux, qui accentuent les contrastes entre les régions, parfois jusqu’à l’absurde.
Conclusion : des extrêmes qui ne sont plus exceptionnels
En ce mois de juin 2025, la France apparaît coupée en deux. Tandis que les Réunionnais sortent bonnets et manteaux, les métropolitains cherchent désespérément de l’ombre. Ces contrastes nous rappellent une chose essentielle : le climat n’a plus de saison stable.
Loin d’être de simples anomalies, ces phénomènes deviennent réguliers. Ils interrogent notre capacité d’adaptation, nos infrastructures, notre rapport à la nature et, surtout, la nécessité urgente de transformer nos modes de vie face au défi climatique.